Traitements : la part belle à l’innovation
Un marché sous tension, mais des signes positifs
Le marché des produits de traitement des bois sciés, soumis à la réglementation européenne sur les biocides (BPR), est mature et suit la courbe du volume des bois sciés, qui est en baisse en 2024 en raison du ralentissement de la construction. Thomas Cousin, responsable commercial France et Benelux chez Wolman, le confirme. Christophe Perrault, regional sales manager France chez Arxada, souligne la volatilité du marché en 2023 et 2024, avec des perturbations comme une grève dans les scieries finlandaises ayant entraîné des problèmes d'approvisionnement. Malgré l'atonie du marché de la construction neuve, le secteur de la rénovation a bien résisté, et un léger rebond est perceptible. Isabelle Durieu du groupe Durieu est plus optimiste, notant un engouement pour le bois et une préoccupation accrue des consommateurs et professionnels pour la protection et l'entretien des ouvrages en bois. Cependant, l'entretien régulier des bardages reste insuffisant.
En termes de produits, les saturateurs gagnent du terrain sur les lasures. Pour la préparation du bois, les solutions mécaniques progressent, mais les solutions techniques efficaces, comme le dégriseur biosourcé Net-Trol®200 du groupe Durieu, conservent leur place.
Innovations des industriels
Cosbat déploie son traitement préventif par trempage
Cosbat, basé à Saint-Orens-de-Gameville (31), propose depuis 1975 des solutions de préservation du bois (insecticides, fongicides, antibleu, antitermites). Leurs produits, validés par le laboratoire Exell à Mérignac (33), affichent un classement A+ inédit en France, signifiant l'absence de rejet de composants organiques volatils grâce à des résines qui encapsulent les matières actives, comme l'explique Patrice Hérail, dirigeant de l'entreprise. Cela répond aux attentes des fabricants d'habitations à ossature bois, malgré la réticence de certains particuliers face aux produits chimiques. Le traitement préventif par trempage Hexabac F1X2 5, lancé en 2018, est destiné aux scieries et charpentiers, équipant 230 stations de préservation. Les bacs de trempage sont fabriqués par A2C et Métallerie du Sud lorrain.
Cosbat étend également sa stratégie vers la GSB avec un produit de traitement de coupe par aérosol pour les bardages et terrasses traités en autoclave, visant à prévenir l'intrusion d'insectes ou de champignons après la coupe. Ce produit, lancé en 2019, a dépassé les 8 000 ventes en 2023, étant plus facile à utiliser qu'un bidon.
Depuis sept ans, Cosbat propose en GSB une gamme de saturateurs et lasures à 43 % d'extraits secs, efficaces contre le grisaillement et l'humidité des bois extérieurs pour six ans après trois couches.
Wolman a présenté deux innovations au Carrefour du bois : le Wolmanit Procolor Silvergrey, un système de pré-grisaillement du bois par autoclave, et le Wolmanit Procolor Douglas, qui offre des propriétés insecticides et fongicides tout en harmonisant la couleur du douglas.
Arxada revient sur le marché du trempage classe 2
La société bâloise Arxada, spécialisée dans les traitements préventifs, propose trois familles de produits :
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L'imprégnation en phase aqueuse de bois à base de cuivre par autoclave, de type Tanalith©, avec une nouvelle formulation.
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La Tanasote©, alternative à la créosote, utilisée pour des usages intensifs (traverses de chemins de fer, poteaux de lignes) et dans les domaines agricoles et équins. Christophe Perrault note une forte volonté européenne de trouver des substituts à la créosote, avec des investissements prévus pour augmenter les capacités de production sur le site d'Huddersfield en Angleterre.
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Pour la rentrée prochaine, Arxada annonce son retour sur le marché du trempage classe 2 (charpentes, liteaux, bastaings) avec une nouvelle formulation, Resistol©, utilisant de "nouvelles générations d'actifs" et anticipant les évolutions réglementaires. En classe 3 (contact avec l'humidité), Arxada propose des traitements sans cuivre sur une base transparente, permettant de personnaliser les teintes, bientôt commercialisés en France.
La réglementation européenne pousse les fabricants à l’innovation
Le défi pour les acteurs est de développer des innovations conformes aux exigences réglementaires et d'obtenir les autorisations de mise sur le marché. Thomas Cousin de Wolman indique que son entreprise anticipe la réglementation depuis dix ans, en retirant certaines matières actives des formulations (ex: Wolmanit CX-8WB sans propiconazole). L'objectif à long terme est le développement de systèmes de traitement du bois sans biocide.
Nathalie Bergeret, responsable adjointe de l'unité Certification pôle Bois Construction à l'institut FCBA, confirme que les restrictions du règlement européen sur les produits biocides impactent à la fois le curatif et le préventif. Par exemple, le retrait du Termidor SC, produit phare pour le traitement curatif des termites, oblige les prestataires à revoir leurs services.
Alternatives et défis réglementaires
Parmi les alternatives aux produits biocides, la certification CTB-A+ a validé les traitements thermiques du bois, où une température de 55 °C au cœur des pièces est létale pour les larves d'insectes et xylophages. Cette technique, validée CTB-A+, se développe pour les lieux de vie ou les clients refusant les biocides.
Des solutions alternatives de préservation apparaissent en parallèle de la certification historique CTB-B+. Il s'agit de modifications physiques ou chimiques des bois pour les rendre hydrophobes et augmenter leur durabilité biologique. Deux certifications existent : CTB bois acétylé ACCOYA (modification chimique) et CTB BHT (bois thermotraités).
Depuis la première directive européenne biocide (RPB) en 2013, la liste des matières actives autorisées s'est considérablement réduite (de 1 480 en 2012 à 480 aujourd'hui), nécessitant des reformulations coûteuses. Patrice Hérail souligne que ce processus est un "droit de travailler" très onéreux. Thomas Cousin insiste sur la nécessité pour les industriels de respecter les préconisations d'utilisation pour l'efficacité du traitement et la protection de l'environnement, car les produits biocides sont sous haute surveillance.
Dans ce contexte exigeant, l'innovation est essentielle. Wolman investit environ 10 millions d'euros par an en R&D, avec une quarantaine d'ingénieurs chimistes. Cosbat met l'accent sur la présence terrain et la politique d'innovation, collaborant avec l'École de chimie de Toulouse, le Cirad de Montpellier pour les essais, et le laboratoire départemental de l’eau de Haute-Garonne pour les prélèvements liés à la réglementation ICPE des bacs de trempage.
Patrice Hérail alerte sur l'impact de la réglementation sur la compétitivité et l'efficacité des produits : il ne reste que trois fabricants français de produits de préservation du bois, contre dix en 2013. Des usines comme Dyrup à Albi ont dû fermer. Cependant, cette réglementation pousse aussi les acteurs à développer une expertise recherchée par des clients extra-européens, notamment des Anglais et des pays d'Afrique du Nord, conscients des enjeux écologiques et climatiques.