Résilience malgré le repli du marché
Malgré un contexte immobilier dégradé avec une forte baisse des permis de construire et des blocages politiques, la construction bois maintient ses positions, avec des parts de marché comprises entre 10 et 20 %.
Selon Maxime Huck, ingénieur bois chez Pfeifer Group, la baisse est plus forte pour les autres techniques constructives, preuve que le bois résiste mieux.
La tendance est soutenue par une utilisation diversifiée du bois dans les façades, menuiseries, agencement et structures. Depuis l’été 2023, les volumes et les prix sont relativement stables.
État du marché et évolutions des parts
D’après les chiffres du Codifab publiés en septembre 2023, le résidentiel neuf recule de 20,5 % avec 287 363 logements commencés, tandis que le non-résidentiel baisse de 13,4 % en surface.
En maisons individuelles isolées, la charpente industrielle gagne du terrain avec 57,3 % de parts de marché, soit une progression de 9,5 points, tandis que la charpente traditionnelle recule.
Parmi les segments en hausse :
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Remplissage bois des façades : 10,3 % (+2,3 pts)
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Structures poteaux bois : 5,7 % (+1,6 pt)
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Charpente bois en logement collectif : 62,1 %
En revanche, les revêtements de façade, toitures-terrasses bois et structures de couverture sont en baisse.
Impulsion réglementaire et rôle du biosourcé
La RE 2020 et la conscience environnementale poussent les acteurs à se tourner vers le bois.
Charly Reignier, directeur des ventes et solutions de construction pour Stora Enso (France et Benelux), rappelle que le logement étant un gros consommateur d’énergie et un fort émetteur de CO₂, l’ossature bois devient incontournable.
Maxime Huck observe que les donneurs d’ordres publics, comme Le Toit Vosgien, adoptent massivement le bois. Le matériau est désormais largement utilisé en ossature, en lamellé-collé et en CLT (lamellé-croisé).
Une filière qui se prépare à l’avenir
Guillaume Wermelinger, directeur général de Schilliger Bois, souligne que la filière est bien préparée à relever les défis liés à la rénovation, à l’extension et à la surélévation des bâtiments.
Mais Ralf Harder, directeur marketing de Lignotrend, pointe le manque de capacités chez les entreprises et les artisans qualifiés pour créer des ouvrages bois réellement durables.
Surélévation et préfabrication : des leviers forts
La loi ZAN favorise la densité verticale, ce qui rend les travaux de surélévation de plus en plus courants.
Stora Enso mène quatre projets à Paris : Marcadet, Parmentier, Croix Saint-Simon et la Cité scolaire Paul-Valéry.
Ziegler Group et Lignatec sont également présents sur ce marché, avec des solutions CLT et de construction modulaire.
La préfabrication progresse :
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CLT protégé contre UV, humidité et insectes (usine Stora Enso, Ybbs, Autriche)
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Structures hybrides bois-béton, bois-acier
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CLT utilisé en structure, isolant et plancher
Projets emblématiques :
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Tour Inspire, La Défense (22 300 m²), par Rubner Construction Bois
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Groupe scolaire, Vénissieux – CLT + charpente métallique
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Cité de la mode et du design, Paris – panneaux acoustiques en bois par Lignotrend
Investissements industriels massifs
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Schilliger Bois : 42 M€ dans une ligne CLT, 120 M€ pour une ligne fibre bois (livraison prévue fin 2025)
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Ziegler Group : 400 M€ d’ici 2030 (CLT, pellets, modulaire, fibre)
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Stora Enso : 9 M€ pour sa nouvelle ligne de revêtement automatisée (usine d’Ybbs)
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Pfeifer Group : 20 à 25 % du chiffre d’affaires lié à la construction bois
Ziegler développe aussi une logistique intégrée (rails, flotte de 230 camions).
Normes et standardisation attendues
La filière bois attend la publication du DTU CLT, norme clé en cours de finalisation.
Charly Reignier, Michel Didier (Lignatec) et Nicolas Gentner Schilliger Bois confirment que le brouillon a été rédigé début 2024, mais la version officielle n’est pas attendue avant 2027.
Les validations assurantielles ralentissent le processus. Ce DTU permettra de rendre le CLT accessible aux non-spécialistes et de généraliser des produits adaptables à différents usages.
La réglementation incendie freine les projets
Le cadre normatif incendie est jugé flou et excessif.
Michel Didier dénonce les exigences (doublage des parois en plâtre ou Fermacell) qui augmentent les coûts.
Résultat : des projets bois sont annulés ou transformés en béton.
Christian Warlies (Ziegler Group) souligne qu’en Allemagne, les règles sont plus pragmatiques, fondées sur la performance feu (épaisseur, tenue au feu).
Exemple inspirant : la tour Ho-Ho à Vienne, structure mixte bois-béton.
Lignotrend travaille sur des solutions bois résistantes au feu, y compris avec des essences comme le frêne, et milite pour des tests objectifs contre les idées reçues sur la sécurité incendie.
Projets phares de la rentrée 2024
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Arboretum, Nanterre (promoteur : WO2) : 125 000 m² – plus grand campus bas carbone d’Europe
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Tour Albizzia, Lyon (quartier Confluence) : structure mixte CLT, lamellé-collé, noyau béton
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Groupe scolaire Alice-Milliat, Nantes : panneaux CLT hydrophobes + isolation biosourcée (Stora Enso)
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Siège Stora Enso, Helsinki : structure bois CLT + LVL
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Cité de la mode et du design, Paris : rénovation acoustique (panneaux Ligno Acoustique, Lignotrend)






